Bertrand Cantat est de retour, en route pour la joie

Publié le par Seasons in the sun

Le riff de Tostaky comme la madeleine de Proust. Il surgit et ce sont sous mes yeux des visages, des figures oubliées. Il me ramène au cœur des nuits fiévreuses où les rêves paraissaient à portée de main.

 

Encore combien à attendre ? encore combien à attendre ? encore combien à attendre ?

 

Le temps des amitiés que l’on jurait ne jamais voir s’user sous le temps. Des amours qui ne se dilueraient jamais dans l’habitude. Où l’on se promettait de ne jamais perdre nos vies à vouloir les gagner.

 

Noir Désir, a fait vivre à la France ce qu’est le rock, loin des ersatz que furent Téléphone et d’autres. Noir Désir tutoyait la poésie incantatoire de Jim Morrison, la hargne des Stooges, les abîmes du Velvet. Dans les veines du groupe coule l’eau boueuse du delta du Mississippi et le métal hurlant des banlieues. C’est dans la rage qui sourd du quotidien, dans le torrent des oppressions que Bertrand Cantat fait pousser les fleurs de ses métaphores. Depuis sa manière immédiatement reconnaissable de scander les textes n’a cessé d’être copiée, mais jamais égalée.

 

Tout Noir désir tient dans l’alchimie entre la révolte et la tendresse :

 

Sous la lumière en plein / Et dans l'ombre en silence / Si tu cherches un abri / Inaccessible

Dis-toi qu'il n'est pas loin et qu'on y brille / A ton étoile

Petite sœur de mes nuits / Ca m'a manqué tout ça / Quand tu sauvais la face / A bien d'autres que moi / Sache que je n'oublie rien mais qu'on efface / A ton étoile

Toujours à l'horizon / Des soleils qui s'inclinent / Comme on n'a pas le choix il nous reste le cœur

Tu peux cracher, même rire, et tu le dois / A ton étoile

A Marcos / A la joie / A la beauté des rêves / A la mélancolie / A l'espoir qui nous tient / A la santé du feu / Et de la flamme / A ton étoile

 

Cet appel déchiré à la fraternité nous enflammait. En l’écoutant, nous découvrions Rimbaud, El Destichado, Lautréamont, Burroughs.

 

Puis en 2001 nouveau miracle, un nouvel album et la sensation que Noir Désir grandissait avec nous. Cet album tellement différent était celui que les ados qui avaient reçu du ciment sous les plaines en pleine figure voulaient entendre dix ans plus tard. Les guitares déchainées avaient laissé la place à des arrangements complexes. Un solo de clarinette balaie Le vent nous portera. L’ambiance est inquiète, désabusée (à l’envers, à l’endroit, bouquet de nerfs). Sur des armes Bertrand Cantat met en musique un autre poète Léo Ferré. L’appartement conduit l’auditeur dans des vertiges quelque part entre les Cure et Radiohead. Bertrand Cantat s’avoue perdu face à l’évolution du monde (I’m Lost, L’Europe), mais dans une sorte d’éclair divinatoire le groupe anticipe l’événement qui va marquer le nouveau millénaire, le 11 septembre 2001, dans le grand incendie.

 

Vinrent les années où il ne faisait plus bon dire que l’on aimait la musique de Noir Désir.

 

Mais aujourd’hui Bertrand Cantat est de retour. Il a chanté Tostaky en acoustique. Sublime. Il a repris le temps des cerises. Encore combien à attendre pour le nouvel album ?

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article